Poétesse japonaise, née à Osaka. Enfant, elle aime voyager entre Terre et Ciel sur la balançoire suspendue à un cerisier de la maison familiale. Elle s'initie d'abord à la peinture et au dessin, découvre la danse contemporaine occidentale par l'intermédiaire de sa sœur. Traversant librement les frontières du temps et de l'espace, elle apprécie le théâtre Nô et la poésie médiévale nippone, mais aussi Nerval, le philosophe Gaston Bachelard, le peintre Odilon Redon, les films français de la Nouvelle Vague…
Jardinière des petits riens de la vie, elle prenait le temps de contempler la mue d'un insecte, l'envol d'un oiseau, le sourire vert d'une feuille de lotus… Elle aimait cuisiner le daikon (gros radis japonais). Avec une grande finesse, elle pratiqua jusqu'à la fin de sa vie l'art du haïku et du tanka, ces « petits cosmos qui rendent l'éternité magnifique », selon ses propres mots.
J'ai eu la chance de la rencontrer à plusieurs reprises à Paris avec son époux, le poète et critique Ryu Yotsuya, avec qui elle a fondé en 1987 la revue Mushimegane (loupe). Traces légères et profondes de son passage sur Terre, elle laisse un recueil de haïkus (Prévision de la Neige, 1988), des contes, des essais, des dessins silencieux et énigmatiques comme les anges de Klee.
En juillet 2008, Gong (revue de l'association francophone de haïku) a publié le long essai-hommage que je lui ai consacré : L'arc-en-ciel sur la balançoire (Niji signifie arc-en-ciel en japonais). Cet essai est repris et développé dans le livre Les Herbes m’appellent, paru en 2012 aux éditions L’iroli (haïkus de Niji Fuyuno et Ryu Yotsuya, en version bilingue franco-japonaise, préfacés et commentés par Thierry Cazals).
Haïkus de Niji Fuyuno
(traduction en français par Niji Fuyuno et Ryu Yotsuya)
Statuette de terre
Parfumée de soleil
Je la tourne vers moi
Deux corps
Qui se reflètent clairement dans l'eau
Courent après le mouton
Je suis debout
Mettant mes gants
Faits de miroitement de l'air
N'ayant pas encore de nom
Donc
Ce hamac est lisse et glissant
Neige légère
Si je souriais
Je me changerai aussitôt en lapin de garenne
Mer agitée
L'espace dans le cercle de la corde à sauter
Est entièrement vide
Ne les cassant pas
Je mets des lucioles
Sur la manche, la poitrine, les cheveux
Dans le rêve ténébreux
On enfouit sous les plâtres
Des lucioles
Au bord de la côte lumineuse
Je lançais
Une boule de neige
Fête de printemps
Du fond de l'eau
Les herbes m'appellent
Dans la chambre noire
J'oublie une carte postale illustrée
De fleurs de cerisier
Ah, fleur blanche du prunier !
On s'évanouit
Dans la bibliothèque
Le printemps réfléchit
Les bras croisés
Sur la vitesse des racines amères
Au fond de la serre
Le son du sable
Tente de pénétrer
Je dessine
A la surface du cristal à contre-jour
La forme d'un poumon
A l'intérieur
Du cabinet d'anatomie
Le cresson pousse
Des huîtriers blancs
Rentrent et se dirigent
Vers l'arbre de pluie
La mince couche de glace
Des barrières
Pour endiguer mes larmes
L'émeu se blottit
Et respire
Comme un champignon
Les castagnettes
Hachent l'été
Désagréablement
Les yeux d'un lapin et d'un écureuil
Brillent —
Prières pour le nouvel an
Sur la pelouse d'hiver
Un objet
Que la lumière a oublié