LA PETITE VOIX DE LA FICELLE


poèmes de Thierry Cazals

illustrations de Joanna Boillat


éditions Motus (collection Pommes Pirates Papillons), 2021

64 pages, 12,50 €



On peut faire confiance au poète Cazals, un habitué de chez Motus, pour nous plonger dans son monde poétique mais surtout pour nous entraîner sur les sentiers de l’écriture. Dans chacun de nous, il y a une âme de poète, il suffit de suivre le fil rouge que nous tend Thierry Cazals pour nous plonger dans notre imaginaire, puiser dans les images et les objets qui nous entourent. Les mots sont riches de sens et l’auteur nous le rend très bien. Mais la poésie n’est pas seule, l’illustration apporte toute sa veine de magie et contribue au succès de cet album. Toute en délicatesse, le noir et blanc lui conviennent admirablement bien. Un beau voyage dans les mots et les rêves pour les plus de 6 ans.

(Double coup de cœur, Libbylit N°146)



Je l’ai ouvert avec curiosité. Car Thierry Cazals, subtil, toujours étonnant. Car Joanna Boillat, ah cette légèreté crayonnée, ces remplissages au crayon graphique minutieux, obsessionnels, pour dessiner des chevelures en courants d’air.

Je l’ai continué avec émotion. Cette manière d’approcher ce qu’est la poésie, de la faire comprendre, puissance et évanescence mêlées. Si simplement. C’est ça, c’est exactement ça.

Je l’ai terminé vite, il était temps parce que j’étais en apnée…

Je l’ai fermé. Pour que les mots bouleversants y restent, ils devaient être en désordre, je n’arrivais pas à me souvenir d’un seul, juste d’un courant d’air, et d’un crayonné léger. Mais remontait tout le bonheur de mes ateliers d’écriture avec des jeunes. J’ai attendu…

Bon, allez, d’accord, je vous le donne.

(NVL, mai-juin 2021)



Lettres à un jeune poète

La ficelle dont il est question dans le titre, c’est celle qui relie les deux pots de yaourt avec lesquels les enfants faisaient des téléphones pour se parler. Le font-ils toujours à l’heure des téléphones sans fil ?

Entre le premier poème, où un enfant téléphone à la terre, et le dernier, où l’on entend, à travers le pot de yaourt, venue d’une autre planète, la voix du frère, le recueil développe un véritable art poétique placé sous le signe de la communication, et prenant comme postulat la facilité de l’écriture d’un poème. Il développe une série de conseils pour mettre en éveil tous ses sens : la vue, le toucher, l’ouïe, le gout, l’odorat. Il s’agit de capter des sensations à la fois quotidiennes et minuscules pour leur donner ou redonner une valeur : goût des figues, chat qui s’étire, porte de grange qui grince, et enfin de s’oublier soi-même pour devenir ces choses-là. Ces différentes sources d’inspiration évoquées en quelques mots (il y a là comme une esthétique de la poésie japonaise) s’entrecroisent avec d’autres poèmes consacrés au langage, aux phrases et aux mots, c’est-à-dire au matériau même de l’écriture. Ce matériau  qu’il convient à la fois d’oublier pour se laisser envahir par les sensations, mais qu’il convient aussi de recueillir dans la corbeille des mots oubliés, jusqu’au point, peut-être, où les mots se confondent avec les choses elles-mêmes, comme les mots rouges des antennes de crevette, ou les syllabes laissées par les pattes des moineaux sur la neige.

Entre les sensations, les choses et le poème, il y a l’espace et le temps du travail poétique, travail fait de patience, d’attente, de polissage des mots, de multiples brouillons et confettis de pages, mais aussi de sommeil sur l’échiquier ou de jets de noyaux de cerise… Thierry Cazals ne cherche donc pas à simplifier ce qu’est le travail du poète, ni à le réduire à une fabrique mécanique ou à une série d’exercices pratiques. Il le décrit comme étant accessible à tous – aux enfants en particulier à qui il s’adresse – mais en illustre de nombreux paradoxes, comme cette tension entre la disponibilité au monde et le travail patient des mots, travail dont on ne saurait plus dire quand il a commencé, ni qui en est le maitre, le poème ou l’auteur. Tout ceci est écrit dans une langue poétique extrêmement épurée et limpide, pourtant faite de métaphores et de comparaisons,  d’injonctions et de conseils que l’on a envie de suivre. Les illustrations de Joanna Boillat, du noir et blanc rehaussé de taches de couleurs, donnent à voir un monde magique, dans lequel des arbres prennent racine dans les livres, les enfants jouent et rêvent…

Sous un titre empreint de modestie, La petite voix de la ficelle est un art poétique dont la simplicité de l’écriture va de pair avec la complexité du propos tenu.

(Michel Driol, site Li&Je)